Benjamin again !

En lisant Remember, on ressent une certaine nostalgie, et l'on sent
que vous avez mis beaucoup de votre propre sensibilité et de votre
propre vie dedans, tout en cherchant à positiver sur vos souvenirs et à aller de l'avant. Partagez-vous ce point de vue ?

Oui, quand j'ai fait ce livre, je voulais que les gens aient
l'impression de tout recommencer à zéro, de se remettre en question et
d'aller de l'avant.


Comment faites-vous pour retranscrire des émotions à travers un ordinateur qui est pourtant considéré comme anti-humain ?

Bien que je crée mes bandes dessinées sur ordinateur, c'est quand
même ma main qui dessine, donc pour moi cela revient au même que de
dessiner sur une feuille. L'ordinateur est juste une question de
pratique. Pour moi, la transmission des émotions se fait plus par le
texte et le scénario que par le dessin.


Par rapport à votre biographie, on se rend compte que vous avez
eu besoin de beaucoup de détermination pour percer dans ce métier, en alternant entre le métier de dessinateur et des petits boulots pour
vivre. Avez-vous acquis un statut vous permettant désormais d'en vivre ?

Pour la plupart des artistes de BD en Chine, le succès est très
rapide car le niveau d’exigence des lecteurs chinois est assez bas,
donc je me suis senti frustré pendant longtemps. Mais à présent, je
suis le plus connu et j'en vis largement, mais à côté, je fais aussi
des romans (NdT : Benjamin est l'auteur chinois le plus célèbre).


Qu'est-ce que cela vous fait d'être l'un des premiers auteurs
chinois à être publié en France ? Avez-vous l'impression d'être en
quelque sorte le chef de file de cette nouvelle vague du manhua ?

Je suis très content et très fier de représenter cela pour les
Français et la France. Mais je ne peux m'empêcher de comparer avec le
manga et je me rends compte que la BD chinoise est encore loin de
pouvoir tenir la comparaison. Le manhua est très différent du manga et
je pense que si je ne continue pas à faire des efforts, les Français ne
continueront pas de me suivre, donc je dois faire toujours plus
d’efforts pour m'imposer.


Quelles sont vos sources d'inspiration ? Vos artistes préférés ?

La BD japonaise est ma plus grosse source d’influence : Osamu Tezuka (Astro Boy) et Fujio Fujiko (Doraemon)
en sont quelques exemples. J'ai peu d'influence du côté des peintres
chinois, je suis plus tourné du côté de la BD. Je me considère comme un
artiste BD à part entière. J'ai également beaucoup d'influences
musicales, notamment dans le rock'n roll, avec des groupes chinois
inconnus ici.


Que pouvez-vous nous dire sur le marché de la BD en Chine ?

En Chine, le public qui lit de la BD a entre 13 et 20 ans, c'est un
public très jeune. Mais il existe une confusion dans l'esprit des gens
en Chine : c'est à dire que l'on a tendance à penser que seuls les gens
très jeunes lisent de la BD et que passé 20 ans c'est fini. Mais cela
est faux. Or les éditeurs sont tous des adultes fonctionnant avec ce
mode de pensée, donc ils se fourvoient complètement. Les éditeurs n'ont
pas conscience de ce qu'est le marché en réalité. La BD chinoise dans
sa version officielle (non copiée/censurée) n'est donc pas beaucoup
vendue en librairie.


Devez-vous faire face à un contrôle strict de la part de votre éditeur chinois ?

Oui, ils ont essayé de me contrôler, mais je ne me suis pas laissé faire. Au tout début on ne voulait pas m'éditer.


Que pensez-vous des autres formes de BD dans le monde ?

J'apprécie beaucoup la BD européenne même si je ne comprends pas
tout à cause de la barrière de la langue. Je suis ému par le style
franco-belge. Dans les comics, j'aime le style graphique et
l'exploitation des couleurs, mais les scénarios sont trop simplistes et
réducteurs à mon goût.