Vous dessinez dans un style que l’on caractérise de « manga ».Pourquoi avoir choisi un style asiatique plutôt qu’un style européen,et notamment la BD franco-belge ? Quelles sont d’ailleurs vosinfluences en la matière ?Je suis née et j’ai grandi en Allemagne. Je n’ai donc pas trop
d’influence autres que celles des dessins animés et des bandes
dessinées de ce pays. Mes origines sud-coréennes n’ont pas spécialement
influé sur mon style. Par contre, à treize ans, j’ai découvert Sailor Moon
et j’avoue que j’ai bien aimé la série. Donc si on recherche une
quelconque influence avec l’Asie, ce serait plutôt de ce côté-là.
Quelles sont vos attaches avec la Corée du Sud ?Mes parents ont émigré en Allemagne avant ma naissance donc ma
langue maternelle est l’allemand. Ceci dit, j’ai quelques notions de
coréen puisque j’ai commencé à l’apprendre récemment. Même si j’aime
bien ce pays, sa culture et si ma famille y retourne régulièrement pour
garder contact, je ne me sens pas spécialement sud-coréenne.
Il me semble que vous avez travaillé pour un magazine sud-coréen. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?En fait j’ai travaillé pour un magazine sud-coréen mais édité en
Allemagne et pour lequel je réalisais des comic strips à leur demande
après la création de Dystopia.
Jusqu’à présent, toutes vos œuvres semblent courtes (one shot). Est-ce une volonté particulière ?Oui, c’est juste. Je me concentre volontairement sur des one shot
pour deux raisons. La première consiste à soutenir un bon rythme de
travail de manière à sortir une œuvre assez régulièrement et ne pas
faire attendre le public. L’autre raison est liée à la gestion plus
efficace de la tension et du suspense dans l’histoire. Je ne me sentais
pas assez expérimentée jusqu’à présent pour entamer une série de
plusieurs volumes, mais je pense bientôt tenter l’aventure. Avec mon
éditeur, nous avons pris contact avec des professionnels du manga au
Japon qui nous ont conseillé de toujours penser tome par tome, pour que
l’intrigue soit le plus soutenue et la plus passionnante possible.
Dystopia et YSquarevont être publiées en dehors de l’Allemagne. Quel regard portez-vousla-dessus. Est-ce un but en soi de toucher un public aussi large quepossible ?Ah ? Je ne savais pas que YSquare allait sortir aussi rapidement après Dystopia ici en France. Vous me l’apprenez (rires).
Oui, c’est notre rôle d’informer les amateurs de manga (rires)Au tout début, c’était mon rêve d’être publiée en Allemagne et
j’étais loin de chercher une reconnaissance internationale. Je suis
donc très agréablement surprise que la publication de mes œuvres
s’étende à l’Europe.
Vous êtes en train de créer la suite d’YSquare,nommée YSquare Plus. Pourquoi reprendre cette histoire ? Est-ce parceque les personnages vous plaisent particulièrement, que vous souhaitezdévelopper plus le scénario ou est-ce une demande de votre maisond’édition face au succès de cette œuvre ?Je peux déjà commencer par expliquer pourquoi cette oeuvre s’appelle YSquare.
En fait, le prénom des deux principaux protagonistes commence par un Y
(Yoshitaka et Yagate) et la combinaison imagée de cette lettre peut
donner Y², d’où YSquare en anglais (NdR : un peu comme dans I"S de Katsura). Comme vous le mentionnez, je ne pouvais pas refuser d’écrire la suite face au succès et l’engouement du public.
Vous semblez apprécier la colorisation assistée par ordinateurmais pour l’instant cela ne s’applique qu’aux couvertures et auxartworks. Voudriez-vous également créer une œuvre entièrementcolorisée, quitte à sortir du carcan « manga, manhwa » ?Oui, j’aimerais beaucoup créer des œuvres entièrement colorisées
mais le travail que cela nécessiterait est beaucoup trop grand. Il
faudrait à peu près deux ans par tome et le public n’attendrait
sûrement pas autant. Mieux vaut donc se concentrer sur le noir et
blanc, quitte à regrouper mon travail en couleurs dans un artbook par
la suite.
Quelles techniques utilisez-vous au juste pour réaliser vosdessins ? Combinez-vous le dessin par ordinateur avec les techniquesplus classiques à la main (ex : tramage, encrage…) ?Tout d’abord j’effectue des croquis au crayon puis je passe à
l’encrage. Ensuite, je les scanne avant de les retoucher par
ordinateur.
On peut voir une grande évolution entre les graphismes de Dystopia et ceux d’YSquare.Vos dessins se sont beaucoup affinés en quelques années. Pensez-vousavoir trouvé votre propre style ou vous attendez-vous à de nouvellesévolutions ?Effectivement, il existe un gros écart entre ces deux oeuvres. Regardez par exemple les yeux des personnages au tout début de Dystopia, quand je les regarde maintenant, j’ai honte (NdR : elle ouvre Dystopia, y jette un coup d’œil et le referme aussitôt en se cachant les yeux).
Au contraire, nous trouvons votre style très satisfaisant pourvos débuts, surtout si l’on regarde l’écart entre les débuts et lestyle actuel d'autres dessinateurs, tels que Tsukasa Hojo, considéré pourtant comme l’un des meilleurs mangaka.Merci. Mon expérience avec Dystopiam’a permis de mieux comprendre les contraintes techniques et d’édition, en particulier le tramage et le détourage qui nécessite de visualiser
plus que les cases à cause de l’impression. Pour YSquare,
tout cela est devenu plus naturel, donc j’ai pu me concentrer
essentiellement sur le dessin, ce qui m’a permis d’améliorer mon style.
Certains auteurs s’entourent d’assistants pour se concentrer surle cœur du travail et les cadences de production. Est-ce votre cas ?Au départ, je travaillais seule, mais étant donné que la charge de
travail augmente considérablement avec le succès, j’ai dû avoir recours
à l’aide d’un assistant. Cela dit, il ne s’occupe que de la partie
technique (scanner les planches notamment), mais ça me laisse tout de
même un peu plus de temps pour peaufiner les dessins.
Les auteurs européens assimilés au courant « manga » sont deplus en plus nombreux. L’Allemagne notamment découvre régulièrement denouveaux talents (Anike Hage ou Christina Plaka par exemple). Connaissez-vous certains de ces auteurs ?Oui je connais tous ces auteurs. Vous savez, la bande dessinée,
c’est un petit milieu, on se connaît tous. On s’échange d’ailleurs des
astuces et des méthodes entre nous.
Je crois savoir qu’en dehors du dessin, vous appréciezparticulièrement la musique. Est-ce que votre sensibilité musicaleintervient lors de l’élaboration de vos œuvres ?Je m’aide beaucoup de la musique lorsque je dessine. J’écoute
notamment des OST d’anime pour me plonger dans l’ambiance de ce que je
dessine. Par exemple, j’écoute de la musique dramatique pour dessiner
une scène triste.
Dessin et musique. Si l’on combine les deux, on se dit que vouspourriez très bien vous orienter vers l’animation. Est-ce quelque choseque vous aimeriez faire ?Oui c’est quelque chose que j’aimerais beaucoup faire mais je ne me sens pas encore suffisamment expérimentée pour ça.
Apparemment, vous avez beaucoup d’affection pour votre lapin. Avez-vous envisagé de l’introduire dans l’une de vos œuvres ?(rires) Oh comment vous savez ça ?! En effet, j’ai intégré un lapin sur plusieurs planches dans YSquare et j’ai même fait en sorte de déguiser l’une de mes héroïnes en lapin
pour des séances photo… mais vous découvrirez ça plus tard
Source : WebOtaku